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Maman et Jeanine

Écrit par Martine Motte

Maman, tu es partie rejoindre les étoiles dans la nuit du 31 octobre 2018, nous surprenant tous par ton décès si soudain. Tu avais choisi le jour d’Halloween, un ultime clin d’oeil à l’image de ce qui représente tes gourmandises, les bonbons ! Maman, tu n’es restée qu’un mois à ta nouvelle maison d’accueil de Lautrec, cependant, ce temps si court a permis au personnel et aux résident-e-s de se rendre compte de ta gentillesse, de ton humour, de ton goût pour les chants, de ta joie de vivre, de ta vulnérabilité, tu faisais l’unanimité par ta sympathie. Parfois, au milieu de tes larmes, tu disais vouloir « partir », tu te sentais diminuée et fragile à cause de tes pertes de mémoire immédiate, et tes difficultés pour te déplacer. L’après-midi du 30 novembre, nous avons chanté et rigolé côte à côte, avec Léon musette et son accordéon, venu animer les anniversaires du mois, dont le tien. Après ce merveilleux moment festif, tu m’as dit que tu te sentais bien dans cette maison, comprenant que tu ne pouvais plus vivre seule, mais que tu souhaitais « partir ». Cette fois, tu me l’avais dit en souriant, encore imprégnée de la fête que l’on venait de vivre. Je t’ai demandé, partir où ? Tu m’as fait voir le ciel, tout en me disant que tu savais que tu laisserais des gens dans la peine. Et tu avais raison… cependant, ce fut ton choix et tu fus exaucée. Alors, pour ça, je suis heureuse que tu sois « partie » paisible dans ton sommeil, après avoir fait la fête toutes les deux. Quand j’ai reçu le coup de fil la nuit, je n’y croyais pas, je nous revoyais chantant joyeusement quelques heures auparavant, et je suis partie immédiatement te voir. Le personnel fut tout aussi sidéré que moi, rien n’augurait de ton décès si soudain. Le 31 dans la journée, quand je suis venue te revoir, j’ai rencontré Jeanine, une résidente de 74 ans, adorable. Elle m’a raconté qu’avant le repas de la veille, te voyant pleurer, elle était venue te consoler, te disant : vous avez de la chance, votre fille vient vous voir souvent, et votre petite-fille et Adèle et Rosalie. Moi, je n’ai pas cette chance, je suis de l’assistance publique, aucune famille, jamais de visite. Puis tu lui as dit, à demain, et Maman t’a répondu, non, demain je ne serai plus là, et tu as montré le ciel. Ces mots m’ont profondément touchée et interpellée. Sans aucune attente, sans aucun calcul, j’ai dit immédiatement à Jeanine : et bien vous n’aviez pas de visite, maintenant c’est terminé. Vous êtes le Cadeau de Maman, ma nouvelle Amie, je viendrai vous rendre visite régulièrement, si vous le voulez bien. Jeanine, je me souviendrai toujours de ta réaction, tu t’es effondrée. Nous étions toutes les deux émues aux larmes, toi submergée par ces émotions inhabituelles, tu gagnais une Amie, et même une Famille. Je t’ai quittée te laissant avec la secrétaire, à l’accueil, et je me retournais, dehors, te voyant derrière la porte vitrée. Tes larmes coulaient à flot, mes mots et tout ce qui en découle ont du soulever en toi tant de douleur et de joie. Douleur de cette vie qui remontait, joie de tout ce renouveau d’Amour. Depuis, je te rends visite chaque semaine, nous nous retrouvons avec un plaisir immense. Nous irons nous promener, je t’inviterai à la maison, et je nourris l’espoir de te recevoir à Noël, ton premier en famille. Si ma famille le permet, le 25 à midi, tu pourrais faire partie des invités, nous devions fêter Noël avec Maman, et tu représentes une certaine forme de sa présence. Maman, j’ai gagné une Amie grâce à toi, Jeanine n’en revient pas de ce qu’elle reçoit, elle m’a dit, tu es mon cadeau de Noël avant Noël, des larmes de joie coulant sur ses joues. Je suis heureuse que tu sois entrée dans ma Vie, Jeanine. Merci à toi, Maman.

 

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